Auteur(s)
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Francis
Hallé
Botaniste, biologiste et dendrologue
Doyle McKey Professeur en écologie, Université Montpellier 2 |
Thème | : |
Saison 5 : un abécédaire de A à Z
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Agora des Savoirs | : |
Saison 05 : un abécédaire de A à Z
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Lieu | : |
Centre Rabelais, Montpellier
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Date | : |
6 novembre 2013
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Langue | : | Français |
Licence | : |
Après 50 ans de découvertes, les arbres ne sont plus comme les voyaient nos grands-parents ; d’où mon titre « Un arbre tout neuf ».
Une réussite biologique à l’échelle mondiale ; un effectif de 70 000 espèces, augmentant chaque année par la découverte d’arbres nouveaux dans les Tropiques. Les forêts tropicales contiennent les formes ancestrales et arborescentes des herbes d’Europe : pervenches, myosotis, et pâquerettes. Les êtres vivants les plus grands et ceux qui vivent le plus longtemps sont et ont toujours été des arbres, les records actuels étant de 130 mètres et de 43 000 ans. Arbres et forêts existent depuis le Dévonien (350 millions d’années), alors que l’Homme n’a que 150 mille ans.
Il est cocasse que ce « nouveau venu » se donne le beau rôle : il faut, dit-il, tailler les arbres sinon ils dépérissent, et exploiter les forêts sinon elles disparaissent.
C’est un contresens de tailler les arbres en ville pour éviter que, devenant trop grands, ils ne deviennent dangereux, car c’est de tailler les arbres qui les rend dangereux, en ouvrant la porte aux pathogènes. Y a-t-il une différence entre tailler la branche d’un arbre et couper la patte d’un chien ? Un bon sujet de réflexion.
Lorsque l’on plante des arbres en ville en leur laissant la place dont ils auront besoin dans l’avenir, les tailler est inutile. En arboriculture fruitière, tailler est utile pour obtenir des fruits abondants, mais c’est à notre avantage : l’arbre lui-même n’a nul besoin d’être taillé.
L’homme est le seul ennemi de l’arbre ; un paradoxe puisque nos ancêtres étaient arboricoles, comme Darwin l’avait compris.
L’arbre a des sensibilités inattendues, récemment découvertes ; sensibilité à l’attraction lunaire et aux variations du champ magnétique terrestre ; en revanche il aurait une forte résilience à la radioactivité. On sait depuis peu que les arbres communiquent entre eux par voie aérienne, de même qu’ils communiquent avec les animaux et même avec l’atmosphère. Ils ont des « feuilles souterraines » et communiquent entre eux dans le sol grâce aux champignons symbiotes.
La forme 3D d’un arbre est contrôlée par ses gènes ; dans la cime de vieux arbres coexistent des variants du génome. Des gènes peuvent passer d’un arbre à l’autre par des voies non sexuelles : ces « transferts horizontaux » entraîneraient des convergences de formes entre espèces différentes.
Les arbres épurent l’air que nous respirons et peuvent induire une sensation d’euphorie. Jouant un rôle dans notre santé, ils sont capables de diminuer les violences urbaines, d’accroître le lien social et de réduire l’exclusion.
Les arbres le long des routes ? Les conclusions sont surprenantes.
Eloge du vieil arbre : plus il est grand, mieux il remplit ses fonctions écologiques. « Place aux jeunes » est valable pour nos sociétés : l’appliquer aux arbres est absurde.
Grâce aux arbres, nous renouons avec le temps long, avec l’altérité et la non-violence invincible de Gandhi ; ils ouvrent sur l’esthétique, l’art, la poésie, la spiritualité et les religions. Beaux, utiles, sobres, autonomes, discrets et non-violents, ils sont nos meilleurs alliés contre les perturbations écologiques et les meilleurs antidotes contre les contraintes de la vie moderne : fric, frime, vitesse, béton, bitume, bagnoles. Nous ferions bien de nous inspirer des arbres.
Francis Hallé a publié de nombreux essais parmi lesquels Le radeau des cimes (Lattès), Plaidoyer pour l’arbre (Actes Sud), Du bon usage des arbres (Actes Sud), Un jardin après la pluie (Armand Colin). Le 13 novembre 2013 sort sur les écrans Il était une forêt, documentaire de Luc Jacquet écrit en étroite collaboration avec Francis Hallé.